Comme un chant d'espérance
De la rencontre entre deux versets de la Bible, le premier de l’Evangile selon saint Jean, « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu. » et le premier verset du Livre de la Genèse, « Au commencement Dieu créa le ciel et la terre, la terre était informe et vide ; les ténèbres couvraient l’abîme, et l’Esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. » a jailli une étincelle : Comme un chant d’espérance, de Jean d’Ormesson.
Si l’idée, de réaliser le vœu de Flaubert d’écrire « un roman sur rien », tient Jean d’Ormesson depuis longtemps, ce sont des découvertes scientifiques récentes et immenses auxquelles il s’intéresse, qui lui permettent, d’un seul coup, d’écrire ce roman avec son Verbe inimitable, chanté cette fois, car les « livres ne survivent que (…) grâce à la façon dont (les histoires) sont racontées. La littérature est d’abord un style qui éveille l’imagination du lecteur. »
C’est donc avec le génie de sa plume et ses talents de conteur que Jean d’Ormesson rend compréhensible le boson de Higgs, le « boson de Dieu », et replace notre existence entre deux murs, le premier étant juste après le commencement de toutes choses, et qui s’appelle le « mur de Planck » – Jean d’Ormesson qui regrette l’oubli du comique dans notre monde, doit trouver facétieux que Dieu se cache derrière un tel nom – et le mur de la mort. Avant et après, les êtres humains ne peuvent imaginer que le rien, c’est-à-dire le néant, sans savoir s’il s’agit bien du même rien.
Entre les deux, se décline le temps, création de Dieu, dans laquelle nous sommes inscrits au rythme de ce que nous appelons l’Histoire. Nous vivons ce temps dans le cosmos, un mot bien particulier qui doit alerter notre lecture dès le prologue du roman, car ce n’est autre que l’univers considéré comme un système bien ordonné, un bel univers. En effet, l’esthète et le croyant qu’est Jean d’Ormesson est sensible à l’ordonnancement de la beauté, à la finalité de la Création : il admire les deux et y découvre des manifestations de l’espérance.
La fin du temps serait source d’angoisse, à moins que l’espérance, déjà chantée par Charles Péguy, auteur que Jean d’Ormesson apprécie, ne vienne nous réconforter : « Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’Espérance (…) une flamme impossible à éteindre au souffle de la mort », dans Le Porche de la deuxième vertu. Car la finitude des choses est inquiétante. Si Jean d’Ormesson trouve une manifestation de l’espérance dans « la mort de ceux qu’on aime », n’est-ce pas plutôt dans ce que l’on espère ensuite pour eux ?
L’espérance de Jean d’Ormesson est plus fondée sur Dieu que sur le Christ, qui n’apparaît que tardivement, et dans l’histoire, et dans le roman. Pourtant, « la doctrine de Jésus est un humanisme », nous dit-il. Et on ressent ô combien ce « aimez-vous les uns les autres » est primordial pour l’auteur. Il l’est aussi pour Dieu quand adviendra le « commerce de l’âme » : on imagine une balance, un cœur et une plume, une psychostasie à la manière des Egyptiens.
Comme un Chant d’espérance est un beau texte d’amour : « J’ai aimé Dieu » nous livre Jean d’Ormesson, avec franchise, en en disant beaucoup sur lui-même, et sur le regard bienveillant qu’il a sur le monde. Ce qu’il nous souhaite, cette grande espérance qu’il nous communique, nous le lui souhaitons aussi : « gardez (…) la paix de votre cœur. Le monde (…) est beau. »
Jean d’Ormesson
de l’Académie française
Editions Héloïse d’Ormesson 16€
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