Livre d'Inamia. Extrait #57

___”Le couple avance, aucun ne met sa main dans celle de l’autre. Il fait nuit, il est très tôt, et il à plu. Ils se faufilent entre les bâtiments, les voitures mouillées et les caprices du brouillard, marchent au meme niveau, mais ne se parlent pas. Elle attend, lui aussi. Leurs vêtements classes, sombres et hautains leur collent à la peau. Quelques gouttes d’eau tombent encore sur les épaules en cuir d’un perfecto féminin noir. La lumière d’un lampadaire se confond avec la brume, chaque expiration donne naissance à un nuage de plus. Il n’y à aucun bruit. Les claquements de leurs semelles et talons sur le goudron se perdent dans le silence qui précède l’aube.
Il s’arrête, elle aussi. Dans un geste lent et puissant, devant les yeux écarquillés d’un chat de goutière, il pose sa bouche sur la sienne en inspirant profondément, pendant que les doigts de celle qui l’accompagne viennent se crisper dans sa nuque. L’envie.
Il dresse alors son index sur ces lèvres qui ne sont pas les siennes, silence. Ils franchissent une lourde porte débouchant sur un hall immense et froid. Vide. Des boucles de bottes raisonnent au rythme de pas qui se font plus pressés. Porte. Couloir. Porte. Escalier. Autre porte. Autre couloir. Silence.
Doucement, la clé pénètre la serrure, tourne une fois, puis deux, et fait gémir les gonds d’une entrée de chambre étudiante.
Dans un brouhaha sourd, cuir, sacs et chaussures tombent. Les volets ne sont pas complètement fermés, le matin tend des fils de lumière à travers la pièce. Au gré des volutes d’une poussière de week-end, soulevée par un couple qui se meurt de se toucher, le premier rayon jaunâtre du soleil se pose sur un dos, une chemise chutant au sol, un sein nu, un entremêlement de lèvres.”