July 22nd, 2014

Nano Story : Aux quatre coins du cercle (4/4)

image

Le temps réduit au néant le souvenir de cet entrejambe parfois pourfendeur, souvent en berne, jamais remercié comme il devait l'être. Le cadavre du faiseur de vie se balance au ralenti entre les démons en quête de culpabilité et les fantômes sans plus personne à tourmenter.

La lutte pour la survie possède en elle cette noblesse, cette part d'eugénisme que mon obstination à fuir la mort ne pourra idéaliser. J'ai un âge qui ne se prononce pas, peu veulent l'entendre quant à ceux qui s'en rappellent, ils ont déjà fait de moi un souvenir à maudire. J'ai eu un amour propre, une femme, un amour sale, un enfant, un amour seul, plus de femme, un amour sobre, plus d'enfant, plus d'amour. Rien à regretter pour soulager ma conscience, pas une larme à mettre en spectacle au pied de cet amour transplanté de la mère à sa créature. Ma vie se résume au silence, je l'ai tant réclamé de prières en coïts en passant par ma famille, mais il est irrespirable sans leur musique.

Le rythme est lancinant, la mécanique suit pourtant le même schéma, mais j'ai le luxe de pouvoir oublier, pour mieux me surprendre, demain. 25 m2, c'est un clapier inhumain pour les uns, un départ à dater pour les autres et un huis clos au doux parfum refermé, pour moi ! Le monde qui sépare la bassesse de mon lit de la vérité hygiénique de la salle de bain est parsemé d'un cimetière de café froid et de tabac. En regardant mes addictions, je songe à écrire le livre qui ne l'a jamais été, perdu entre le bout de mes lèvres et mes tripes absentes ! J'humidifie mon masque et devant la glace, je ne pense pas avoir trahi mon image, mais je refuse de donner mon nom à cet homme en face.

L'intérêt majeur de ne plus avoir de nom réside dans le fait de ne plus être désigné par l'autre, celui qui fait de l'identité un préalable. Si la généalogie est le sacerdoce de l'identité, il serait bon de couper les branches, arracher les racines et mettre le terrain en jachère. Dans cette fâcheuse histoire de jardinage, il me reste trois petit-enfants avec mon nom et ma belle-fille qui en a repris un autre. Ils perturbent systématiquement mon ascétisme le temps des célébrations familiales en espérant voir se refléter mon humanité dans la leur. Ils se déguisent en ordre, en morale et en Dieu pour réinterpréter en choeur ma transparence face au crépuscule des vies de Papa et Mamie.

Sur la route j'ai perdu l'amour inconditionnel, la bienveillance éternelle, le péché fusionnel, l'admiration naturelle, mais pas la gravité. Ce poids au fond de moi m'a gardé entre mes pieds et le sol, à l'écart des courses contre la montre négligeant le temps et l'horizon.

De ma lune à ce soleil, j'ai effacé les décors faits d'Hommes de mon champ de vision pour tutoyer ce qui s'invente entre là-haut et au loin. Ces lieux et ces liens enfin dissociés de la destinée écrite par mon créateur, j'ai suivi les mots de celui qui m'a appris à marcher seul.

Trouver une raison valable de ne pas devenir fou le temps de la civilisation et s'assurer de ne jamais construire un idéal autour du coeur. J'ai échoué à ne pas faire de mes sentiments des définitions sacrées qui se terminent en donation de côte dans un jardin d'éden à crédit. J'ai toute la tête de mon créateur et le poids de cette transplantation perdue pour faire des quatre coins de ma vie, un cercle, un soleil.