Les femmes par l'École de la République
Maintenant que nous avons, de nouveau, un ministère du droit des femmes, on espère que des réformes vont pouvoir être faites et que des questions importantes vont être soulevées. La remise en question de la société hétéronormée notamment me parait particulièrement d'actualité.
Si les aptitudes des femmes sont encore jugées inférieures à celles des hommes (comme le débat du festival de Cannes l'a montré dernièrement) c'est aussi dût à l'absence des femmes et aux figures féminines dans l'histoire que nous transmet l'École de la République. Le système d'enseignement tend à perpétuer un conservatisme politique et social en faveur des hommes (et en particulier blanc et hétéro) : ce n'est pas l'histoire des Hommes qui est enseignée mais bien l'histoire d'un seul sexe, celle des hommes.
L'Éducation nationale qui détient les clés du contenu et de l’organisation de l’action éducatrice doit transmettre et, selon le traité du droit de l'enfant de 1989, “inculquer à l'enfant le respect des droits de l'Homme et des libertés fondamentales […] préparer l'enfant à assumer les responsabilités de la vie dans une société libre, dans un esprit de compréhension, de paix, de tolérance d'égalité entre les sexes […]
Seulement au regard du programme de l'éducation nationale (je vais vous parler en particulier de celui d'histoire), il me semble évident que ce traité n'est pas respecté et qu'il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour arriver à un système qui respecte les fondements de l'école de la République, à savoir "offrir à tous les individus de l'espèce humaine les moyens de pourvoir à leur besoins, d'assumer leur bien être, de connaitre et d'exercer leur droits, d'entendre et de remplir leur devoirs, de perfectionner son industrie, de rendre capable des fonctions sociales auxquelles il a le droit d'être appelé, de développer toute l'étendue des talents qu'il a reçu de la nature et par là établir entre les citoyens une égalité de fait et rendre réelle l'égalité politique reconnue par la loi. Telle doit être le premier but d'une instruction nationale. (extrait Des grands principes de l'Instruction publique de Condorcet)
Prenons le programme et les manuels d'histoire, qui me semblent être une bonne entrée dans cette transmission de valeurs et d'usages sociaux. Le centre Hubertine Auclert à travers l'étude La représentation des femmes dans les nouveaux manuels d’histoire de seconde et de CAP et l'Observatoire de la Parité Institut d’Etudes Politiques de Grenoble avec La place des femmes dans les manuels d’histoire du secondaire, ont étudiés la question.
En premier lieu, ce qui en ressort est le fait que "la Femme” n'est évoquée quasiment que de cette manière, là où on dit “les hommes” au pluriel, on dit “La Femme” au singulier, choix linguistique judicieux et évocateur de la pensée véhiculée. La moitié de la population n'admet donc aucune variante dans sa représentation, elle se reconnait dans cette figure ou en est absente. Dans ces manuels, soit elles sont sous représentées ou évoquées de manière marginale, comme des actrices de second plan dans des rôles qui pourraient être tirés de la mythologie grecque (un peu poussiéreux, même lorsqu'on parle d'histoire…) Il y a les Reines et femmes de pouvoirs (un rôle toujours néfaste bien entendu), les jeunes filles emblématiques et femmes allégories (souvent martyres) et la grande catégorie des “filles de”, “femme de”, “mère de” dans un contexte “ordinaire”, à savoir entourées d'enfants et dans la sphère privée.
Au niveau du contenu, l'analyse des documents et faits présentés est totalement exclue. Les différents sujets sont toujours inscrit tel quel, sans aucune invitation à la réflexion ou remise en question (ce qui n'est d'ailleurs en soit pas un problème uniquement pour le rôle donné aux femmes). Lorsque les grandes avancés de la société (l'avènement de la république et le suffrage universel, l'école républicaine etc.) sont mises en avant, leur limite et injustices encore présentes ne sont pas ou peu évoqués. Par exemple, si on apprend que le suffrage universel est établit en 1793, le fait que les femmes en soit excluent passe sous silence dans la plupart des cas… Un grand pas pour l'homme mais pas pour l"humanité entière (je l'avoue elle était facile.)
Quant aux grandes avancées de la société relatives aux femmes (la lutte pour le droit de vote des femmes, l’unification des programmes d’études pour filles et garçons dans l’enseignement secondaire et la mixité tardive, la lutte pour le droit à l'avortement et le féminisme), les sujets deviennent beaucoup moins importants (ils sont souvent traités sous forme de dossier supplémentaires à la leçon.)
Après tout il s'agit de sujets qui concernent que la moitié des gens, pourquoi en faire un cas d'étude ! Le féminisme quant à lui (ironie de la langue) n’est pas étudié.
En ce qui concerne les documents utilisés dans ces manuels, le résultat n'est pas plus glorieux : Les biographies consacrées aux hommes et femmes importants sont peut être d'ailleurs, ce qui démontre le mieux la place et le rôle réservé aux femmes, en effet sur 1004 biographies seule 16 sont consacrées aux femmes, soit 1,6 % (d'après La place des femmes dans les manuels d’histoire du secondaire). Les auteurs de ces manuels et des documents sont encore essentiellement des hommes (textes, études, tableaux) comme les artistes des oeuvres choisies pour l'iconographie.
Et si on apprenait aux élèves qu'il n'existe pas qu'un seul sexe qui peut jouer un rôle dans notre société ? Et qu'on avait pour ça des manuels scolaires qui sont de réels outils de transmission des valeurs de la République, et non plus d'un conservatisme politique et social en faveur des hommes ?
Ce serait un bon départ pour sortir des stéréotypes auxquels nous sommes confrontés tous les jours, afin de commencer réellement à effacer les millénaires de domination masculine, encore bien ancrée dans les moeurs et que la parité devienne réelle et non plus juste un texte de Loi.
Caroline Aufort
Pour illustrer de telles accusations, je vous renvoie donc vers les études en question et quelques liens choisis :
Les études
http://www.centre-hubertine-auclert.fr/sites/default/files/images/etude_la_representation_des_femmes_dans_les_manuels_histoire_de_2nde_et_cap_cha.pdf
http://www.centre-hubertine-auclert.fr/sites/default/files/images/synthese_etude_manuels_cha.pdf
http://orientation.ac-clermont.fr/pmb/opac_css/doc_num.php?explnum_id=170
http://chrhc.revues.org/1289#tocto1n3
http://ep.inrp.fr/EP/colloques/colloque_repenser_justice/communication_elisabetta_pagnossin?set_language=en
http://clio.revues.org/10452
Articles relatifs
http://www.avecegalite.com/INTERVIEW-de-FRANCOISE-LELIEVRE.html
http://www.ladominationmasculine.net/images/stories/chap2.pdf
http://www.ladominationmasculine.net/images/stories/chap417.pdf
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2011/11/24/01016-20111124ARTFIG00757-egalite-homme-femme-les-manuels-scolaires-denonces.php
http://www.liberation.fr/societe/01012358304-au-chapitre-des-grandes-femmes
5 Notes/ Hide
- lashtuns liked this
- countessdemontecristo liked this
- lettersiarrange reblogged this from sexgenderbody
- lettersiarrange liked this
- sexgenderbody reblogged this from ladyfestparis-blog-blog
- ladyfestparis-blog-blog posted this