Acquis en 2003, il était trapu, blanc, joli et lourd. Ce compagnon de mes horaires de tafs nocturnes avait conservé le goût de sel des larmes et de la sueur. Une fois gravie la montagne productiviste des commandes graphiques, je me jetais dans mon paddock et l’écoutais s’éteindre seul, là-bas au fond du bureau.
Je l’ai débranché en 2013.
Depuis, quelque part au fond d’un placard, il dormait sous trois cartons et une couverture moisie. Malgré sa discrétion, sa présence dérangeait ma Dame. L’ancien assistant modèle qui n’avait jamais failli, a dû prendre le chemin de la déchetterie et de l’oubli.
À mi-parcours, sa messagerie remplie de codes secrets et bancaires m’est revenue en mémoire. Agacé par le temps perdu, je me suis emparé un peu trop vite de ce qui était devenu un fardeau pour le rallumer et le vider.
Quelque chose a lâché dans mon bras.
Une semaine plus tard, je n’avais plus qu’un angle droit en guise de souplesse. Coincé, paralysé et un peu gêné, j’ai entamé la farandole des examens médicaux. Puis, un plus malin m’a diagnostiqué une tumeur qui aurait cédé sous la tension de l’effort.
Beaucoup de temps fut nécessaire avant de me retrouver gratifié d’un slip en papier et allongé sur une table d’opération. Quelques minutes avant le scalpel, comparant une dernière fois deux IRM, une interne s’est exclamée : - C’est dingue à quel point une grosse tumeur cancéreuse peut ressembler à une déchirure musculaire toute bête.
Parti avec mon baise-en-ville pour une semaine de clinique, j’ai repris mes esprits une heure plus tard, en recherche du premier abreuvoir.
Il me reste en souvenir l’étreinte de remerciement et au fond de ma poche, un slip en papier.