Autres Mémoires sauvés du vent, par Ianthe Brautigan

image

Je viens de tomber sur de magnifiques billets, datés de 2005, offrant des extraits d'un livre publié par la fille de Richard Brautigan, au joli prénom de Ianthe. You Can’t Catch Death: A Daughter’s Memoir. New York: St. Martin’s Press, 2000. Même si je lis mal l'anglais dans le texte, j'ai très envie de me procurer ce livre. La traduction d’Alain Suel (sur le blog de son frère Lucien Suel) est vraiment parfaite et mériterait qu'un éditeur l'étende au livre entier. Voir ici :

http://academie23.blogspot.fr/search/label/Ianthe%20Brautigan

J’ai lu jadis la bio de Brautigan écrite par Kenneth Abbott, mais ces souvenirs poignants-là, permettent d'approcher l'auteur de Mémoires sauvés du vent d’encore plus près. Brautigan s'est tiré une balle dans la tête en 1984 à Bolinas, Montana. « Avec un magnum .44 au deuxième étage de la maison près de la cheminée. » Sa fille, Ianthe, qui écrit ça, est alors âgée de 25 ans. Aussi loin qu’elle remonte, le suicide semble toujours avoir pourri la vie de l'écrivain, et par ricochet, celle de ses proches. Ianthe écrit :

« À 14 ans il m'a expliqué que sa seule raison pour ne pas se tuer était qu'il ne voulait pas que ce soit moi qui découvre son corps. »

« À l'âge de vingt ans j'en étais réduite à le supplier en pleine nuit au téléphone, de ne pas se tuer. « Je t'en supplie Papa, pitié, Papa ! » pleurais-je. Il raccrochait le téléphone, et je restais seule et tremblante dans la cuisine.  »

Le suicide, la fille de Brautigan y revient en permanence, dans une spirale à la fois glaçante et lumineuse. Un jour, elle parvient à lui faire décrire son malaise, fortement nourri et entretenu par l'alcool :

« Tout en sirotant son vin blanc, mon père m'expliqua que les pensées qu'il avait en tête étaient si compliquées que cela faisait comme des toiles d'araignées en acier dans le crâne et que boire était le seul moyen qu'il avait trouvé pour s'en débarrasser. »

Un peu plus tard, il en trouva un autre, plus radical.

Après la mort de son père, Ianthe revient sur les lieux macabres, avec sa mère (elle et Brautigan sont divorcés) accompagnées d'une amie d’Ianthe qui croit aux fantômes et qui refuse de rentrer dans la maison. Voir post (2/8). L'amie pense que la maison est responsable du suicide de l'écrivain ! (Il est vrai que cette baraque a un peu des airs d'Amityville sur les photos. D'ailleurs, le passage avec les mouches (4/8) n'est pas sans rappeler une scène du film.) Ianthe y retourne quelques jours plus tard mais, comme son amie, elle reste dans la voiture, à pleurer et à ressasser de sombres pensées. C'est alors qu'elle voit des nuées de papillons « monarques » orange, qui tourbillonnent près de la maison, et se rappelle que son père ne manquait jamais de les lui montrer avec enthousiasme : « Regarde ! Un papillon ! » La nuée de papillons, soudain, balaye son chagrin.

Après avoir lu ces passages, on repense aux premières phrases géniales de Mémoires sauvés du vent. Dans ce livre, il est question d’une 22 long rifle, de cartouches qu’un gamin préfère acheter plutôt qu’un hamburger et d’un coup de feu qui répand le malheur. Et on a envie de changer des mots, pour voir si la réalité change avec : « Croyez-le ou non, j’ai pu arrêter la balle dans sa course et la remettre dans le canon de ce magnum .44. Elle a reparcouru la spirale en sens inverse, a réintégré le chargeur et s’est resolidarisé avec la douille, s’est conduite enfin comme si on ne l'avait jamais tirée ni même chargée dans le revolver. »

Mais si une fille aimante comme Ianthe n'a pas réussi l’exploit de le sauver avec ses mots, les miens le peuvent-ils ? Dans une bonne histoire, peut-être. Qu'il reste à écrire, à la manière de Brautigan : « Comment j'ai fait passer l'envie du suicide à Richard Brautigan, en 5 étapes (et ce qui s'en est suivi). » Une histoire où rôderait le fantôme de son ami Jim Harrison, une histoire pleine d'écrivains alcollos, de rivières qui traversent les maisons, et de pêches à la truite dans le Montana.

image

© Blog@Bishop,
gonzoblog-theme is a free Tumblr Theme, designed by gonzodesign. ~ Tumblr This Theme is proudly powered by: Tumblr ~ RSS subscribe to RSS.