Le vieil homme et le désert
J’avance encore, jusqu’à perdre mes repères,
Seul dans le désert immense qui s’étend tout autour,
Mon esprit est un temps distrait par la voûte stellaire,
Pour moi il n’y aura aucun autre lever de jour,
Car bientôt je rejoindrai mes pères et mes frères,
Je m’envolerai comme la poussière qui m’entoure.
Mes vieux yeux errent sur les lumières du ciel éteint,
Fatigués mes poumons brulent, mon coeur se sert,
Debout dans le vaste silence, je savoure.
Malgré mon corps lourd, je reste serein,
Je pense à tous ceux qui me sont chers ...
La peur rode, là, mais je lui suis sourd,
Car sous mes pas j’ai fleuri mes pensées.
« Mon âme trouvera le chemin,
Mon corps reviendra à la terre,
Je retiens la joie et l’amour,
Pour seul témoin de mon passé. »
Le sol est encore chaud sous mes pieds,
Assis dans l’infinie sable fin,
Je m’en saisis d’une pleine poignée,
Et je le fait couler grain par grain.
Le temps, peut être, s’est arrêté.
Mon esprit se perd dans les confins...
Mes paupières sont fermés,
J’entends le murmure du vent,
Je cherche son sens, en vain ...
Broder dans de belles heures,
Tissé de simples destins,
Et, pour l’éternité, je meurs.
Anselm Kiefer “Les célèbres ordres de la nuit” de 1997