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On a coupé le phœnix devant la maison. Il était infesté de gros vers blancs, ceux qui font des papillons aussi bruyants que des oiseaux, les énormes papillons de nuit qui volent en plein jour. On l’a fait brûler plus loin, dans une vigne derrière le bois, les vers ont cuit avec. Maintenant, devant la maison, plus rien. Même le mimosa est tombé. Les longues branches piquantes du phœnix qui retombaient sur la terrasse, celles qui s’agitaient furieusement quand c’était le coup de vent qui annonçait les orages d’été, puis rebondissaient de haut en bas sous la force de l’eau, plus rien. Maintenant pendant l’orage, seulement les gouttières qui pissent sur le béton. Et le mimosa non plus, sec, brisé par le vent. C’était les premières fleurs de l’année, les odeurs lourdes qui annonçaient le printemps alors qu’il faisait encore froid: les fleurs d’amandier et les boules de mimosa, la fin de la nuit, le vent qui vient de la mer et la tramontane enfin chassée, avec l’hiver.  Je remonte les saisons et je me souviens de tout maintenant. Les rires de mes sœurs dans le silence complet de la campagne sous la neige, cachées dans l’igloo que faisaient les bambous qui plient sous le poids de la neige. Je me suspends aux plus épais pour faire écrouler le toit de notre abri, et ça s’effrite dans une pluie de paillettes. L’été, c’est sous le poids des étourneaux que les bambous plient puis se relèvent d’un coup lorsqu’ils s’envolent par vagues. Et puis c’est novembre qui me revient, soudain les grosses pluies et les torrents de terre rouge, les tempêtes et les branches cassées, les arbres déracinés qui font des trous dans la terre. Ce sont les hivers de boue qui vont tombent dessus, les premières pluies qui ferment le ciel pour des mois. Avant ça, septembre, le sol encore chaud et les derniers touristes à vélo qu’on voit passer au bout du jardin. Je remonte jusqu’aux fins d’après-midi où les appels des guêpiers, depuis le bord de la rivière, précèdent ceux des étourneaux lorsque le ciel devient bleu-noir. Les grenades qui rougissent, au bout de la route toute collante de jus de raisin. C’est marin et l’air sent le sel.  On a coupé le phœnix et même pendant les journées de juillet, quand l’air est si chaud et que l’odeur des pins devient étouffante, il y a un vide, comme un trou d’air dans le jardin, une coupure dans les souvenirs. 

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