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19yo · France · female game art student . . . Danganronpa, Vocaloid & UTAU SPOILERS! see the about below
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Comment conçoit-on la santé dans les Jeux vidéo ?

Attention

Il ne sera pas question ici de la représentation de la Vie -ou Santé – dans les jeux vidéo. Pas de Theme Hospital ici, à mon grand désarroi. De même, l’UI d’un jeu ne sera pas énormément remise en question ici. Si nous pourrions débattre de nombreuses heures sur la nécessité ou non d’une bonne HUD pour symboliser la vie dans le jeu (Dead Space, mon amour), ici, il sera beaucoup plus question de la Vie en tant qu’outil de Game Design récurrent, voir omniprésent dans les jeux vidéo modernes.

A bon entendeur, bonne lecture !

De la santé.

Le système de vie est un composant de Game Design de longue date. A travers les âges, la santé a été représenté par des chiffres, une barre de vie, un certain nombre d’icônes, réagissant lorsque le joueur prend des dégâts. Un des premiers jeux à matérialiser ce système de vie par une barre sera Dragon Buster, un jeu Namco datant de 1984. De même, il a été rapidement convenu d’outils permettant de regagner de la vie, des médi-kits, en passant par des bouts de santés lâchés par les ennemis défunts, des potions craftées ou achetées etc…

En Game Design, on considère la vie d’autant plus importante que le joueur en est conscient. De manière générale, la perte de santé est au moins signifiée par un signal sonore, un feedback visuel. Typiquement, dans les jeux modernes, la perte de santé est généralement représentée par un écran virant au noir et blanc, une grosse tâche de ketchup à l’écran, et un recul du personnage associé à un son (notamment visible dans Call of Duty 2). Dans un but toujours “plus immersif et réaliste”.

Toi aussi ressent l’immersion de la confiture de fraises dans le FPS moderne !

Bien entendu, tous les jeux ne se sont pas basés là-dessus. Le joueur amateur a l’habitude des chiffres: mon Carapuce a 15 PV, s’il est empoisonné, il perdra 2/16 de ses PV Max par tour, il me reste donc 3 tours, pour achever le Racaillou à 40 PV devant moi, avec une attaque de base à 40 majoré par mon type avantageux de 50% … Bien que ce type de système, très convenu, n’est en rien réaliste, il reste diablement efficace lorsque correctement mis en place, comme ici dans Pokemon.

Pour le développeur, ces systèmes sont très pratiques. La santé mécanisée lui permet de correctement déterminer les dégâts d’un joueur ou d’un ennemi. L’interface est carrée, propre, évidente. 

De la Barre de vie…

Mais l’arrivée à système comme Pokémon ou d’un Call of Duty, ne s’est pas faite en un jour… Les jeux classiques, ont été conçus pour que le joueur puisse esquiver n’importe quelle attaque, les ennemis possèdent des patterns définies et prédictibles. Koji Igarashi, ex producteur sur la Série Castlevania de Konami déclara même que 

« chaque boss devait être en mesure d’être vaincu sans prendre un coup avant d’être intégré dans le jeu final. ». 

La barre de vie devenait alors une représentation des erreurs que le joueur faisait, il était plus question d’une marge d’erreurs, que d’une barre de vie. La barre elle-même constituait plutôt la représentante du challenge du jeu.

Cependant, beaucoup de jeux considèrent la barre de vie comme un dogme, essentiel au joueur, qui sinon, serait incapable de savoir s’il inflige des dégâts à son ennemi (Castlevania Lords of Shadow, c’est à toi que je parle) ; On le sait la perte de vie doit être signifiée, sous peine de lire l’incompréhension sur le joueur, Scott Rogers déclare même dans son livre Level Up ! The Guide to Great Video Game Design :

« La santé doit s’épuiser d’une façon évidente, puisque qu’à chaque coup, le joueur sait qu’il est train de perdre la vie ».

Pourtant cette barre est souvent loin d’être nécessaire. Il ne s’agit pas de me dire que le personnage subit des dégâts, mais de le montrer. C’est la nature même de l’aspect vidéo du jeu vidéo moderne en soit, contrairement à un jeu de plateau, par exemple. Je veux voir des effusions de sang, sentir l’épée trancher un corps organique, lire la fatigue de mon ennemi lorsque je transpire face à l’écran. Et certains jeux le font très bien, notamment la série des Monster Hunter et des The Legend of Zelda, lorsque l’ennemi est blessé, notamment dans les boss fights, il change de comportement, possède un feedback généralement impressionnant. En plus de créer une forme d’excitation chez le joueur, plus excitant qu’une simple barre de vie virant au rouge, le joueur pénètre à chaque fois dans une nouvelle dynamique de combat, réitérant le challenge offert.

Ainsi, la barre de vie reste un élément à utiliser avec parcimonie, réflexion. Avant de se jeter corps perdu dans cet élément basique et pourtant pas toujours nécessaire. 

…A la vie régénérative.

Dans les années 1990, les FPS commence à pulluler. Le jeu et les patterns des ennemis sont alors pensés différemment, afin de coller à ces types de jeux émergents. Les développeurs mettent au point les hitscan. Des projectiles inesquivables pour le joueur. La barre de vie devient alors tributaire de ces projectiles, si la skill du joueur est toujours mise en jeu, on ne peut plus la représenter via la santé.  Puis dans les années 2000, quelqu’un a décidé que puisque la vie du joueur lui était prise sans permission, alors elle lui serait automatiquement remise.

La mécanique apparaît pour la première fois très tôt, dans l’oubliable Hydlide en 1984. Dans ce jeu, la vie se régénère automatiquement lorsqu’on ne bouge pas pendant un court instant. Bien qu’étant un jeu très moyen, Hydlide a ainsi énormément influencé la conception des RPG, et des jeux dans leur ensemble, particulièrement avec ce système de santé novateur. Pour ne citer que, le RPG Ys en 1987 empruntera cette idée, et la saga Mass Effect ou encore Fable, font encore bon héritage du système standardisé. Cependant, les premiers jeux à populariser cette technique seront Halo : Combat Evolved et The Gateway un open-world la team Soho, sortis respectivement en 2001 sur XBOX et en 2002 sur PS2. Dans Halo, ce n’est pas la vie qui se régénère d’elle-même, mais le bouclier de Master Chief, les medi-kits restaient encore indispensable. Dans The Gateway, pionnier du genre, le personnage devait s’appuyer contre le mur afin de regagner de la vie. Mais ce sera Call of Duty qui codifiera le système connu aujourd’hui.

Ce système possède de nombreux avantages, le joueur devient plus téméraire et enthousiaste, fonce plus volontiers dans l’action. La perte de santé n’étant qu’accessoire, le joueur sera rarement freiné par la difficulté, assurant ainsi à des jeux très scriptés comme Call of Duty ou Battlefield que le rythme du jeu ne sera jamais bouleversé par l’hésitation ou la frustration du joueur. Les niveaux sont plus simples à construire pour les Level Designers, le placement méticuleux du médi-kit n’étant plus un souci. L’expérience devient beaucoup plus contrôlable, moins sujette au comportement humain. Un joueur peut simplement avoir envie de tirer, esquiver, avancer, sans se poser de questions après tout. Et bien sûr, je n’évoquerai pas les facilités marketing mises en place.

             Kevin Spacey jouant à Call of Duty dans House of Cards

Mais du coup, en quoi la régénération de santé est-elle autant décriée ?

Eh bien, la perte de santé de devient en aucun cas un problème sur le long terme. La tension du joueur dans un lieu normalement sujet à discrétion ou à l’exploration tombe totalement à l’eau ; les erreurs du joueur sont minimisées. Peu importe que vous jouiez très bien, ou très mal, tout s’égalise au prochain ennemi croisant votre chemin.

Comparez cela à un jeu comme Dark Souls où un combat raté signifie boire une précieuse potion afin de regagner sa vie pour le combat suivant. Dark Souls réussit le génial tour de bras d’augmenter les enjeux à chaque combat, créant un engagement du joueur, qui sera récompensé à chaque victoire. Ainsi une tension palpable se ressent lorsque vous n’avez plus beaucoup de vie et que vous priez à la recherche du feu de camp le plus proche. Ce stress est aussi largement présent notamment dans des titres d’horreur comme Amnesia Dark Crescent ou Resident Evil, ou les endroits surs et la vie limitée conduise à une tension extrême, là ou une série comme Call of Duty n’atteindra jamais ce seuil de stress chez le joueur.

Les oubliés packs de santé ont aussi un rôle intéressant. Combien en acheter, en utiliser ? Combien puis-je en déposer dans mon inventaire ? Ne devrais-je pas crafter un cocktail Molotov, qui me sortira d’une situation délicate dans The Last of Us ? Ou bien devrais-je sacrifier une herbe verte au profit d’une arme dans Resident Evil ? Ils encouragent également l’exploration, notamment lorsque le joueur sait que s’il ne fait pas un effort de recherche, il sera pénalisé. Enfin ils donnent sens aux petits ennemis et pièges parsemés dans les niveaux, comme les pièges à ours de Resident Evil 4.

Mais se dire qu’il faut choisir entre les packs de santés et la vie régénérative, ne suffit pas.

Pire, cela pose souvent des problèmes de cohérence. Dans Uncharted 2, Nathan Drake est un véritable Chuck Norris de la gâchette et un véritable pare-balles ambulant. Pourtant dans une ridicule petite cinématique, le fier Nathan se prend un coup dans l’abdomen le laissant d’un coup dans un piteux état, durant plusieurs jours, alors même que 4-5 coups lui avait fait perdre un quart de sa barre de vie, 10 minutes avant. Bien sur, il est difficile de garder un lien intact entre univers et gameplay, mais l’exemple n’en est pas pour autant moins probant.

En effet, il y a une forme de ridicule dans les jeux cités précédemment à se dire que tel ennemi nécessite X coups avant de mourir, que ma barre de vie possède 4 points etc… La mécanique est rugueuse, vieille comme le monde, et peu immersive, au final.

Les Santés alternatives

Diverses solutions ont été proposé :

Les barres de vies segmentées façon Metroid, minimisant le coup des Hitscan : un pack de santé régénère un segment de vie, et chaque segment nécessite un pack à lui tout seul. Ainsi, le jeu garde les hitscan tout en favorisant les kits de soins.

Half Life 2 lui pose automatiquement plus de kits de soins lorsque la vie du joueur est basse ; Fear régénère toujours le dernier quart de votre vie, la série des Batman Arkham, elle, opte pour une barre de vie persistante lors des combats, qui se régénère hors affrontement, enfin Mirror’s Edge Catalyst régénère la santé de Faith lorsqu’elle sprinte un moment. Reste même les systèmes hybrides, à la façon d’Halo, ou seul le bouclier se régénère.

D’autres jeux définissent la santé comme une récompense face au gameplay. Dans le dernier Doom, la santé est gracieusement offerte au joueur qui se sera montré agressif malgré sa barre de vie faible, en faisait un finish sur un ennemi, on récupère automatiquement des orbes de vie.

La santé peut aussi être malléable, devenir un choix, comme dans Bloodborne ou la vie peut être sacrifiée en guise de balles supplémentaires, ou dans certains RPG ou la classe du personnage demande un sacrifice de vie au profit de la puissance. Même The Binding of Isaac utilise cette mécanique pour certaines pièces, ou le joueur doit sacrifier un cœur pour passer dans la pièce suivante.

Dans les jeux Nintendo, la santé est appréhendée d’autant plus intelligemment qu’elle change le gameplay du jeu : Mario est plus puissant en prenant un champignon, mais petit, il marche plus vite et peut se faufiler dans des endroits inaccessibles. De même Donkey Kong Country, la perte d’un des personnages (les deux personnages symbolisent les deux points de vie) signifie qu’on passe à l’autre qui se joue très différemment (Donkey est un gros balourd, Diddy est plus rapide, Dixie peut planer etc…). Le vice est poussé jusque dans Yoshi’s Island, ou la perte du bébé change l’objectif du joueur : récupérer le bébé le plus rapidement possible, auquel cas vous perdez le niveau. Cette façon de changer le comportement et les possibilités d’actions du joueur relève, selon moi, d’une utilisation excellente de la santé dans les jeux vidéo.

Je souhaitais finir cette réflexion sur des systèmes de santés se voulant “réalistes”. Bien sur, la plupart des FPS actuels ont inclus les dégâts ciblés, avec les légendaires Headshots. Ceci dit, peu de jeux inclus la régénération de santé ciblée. Un des exemple les plus connus reste Metal Gear Solid 3 : Snake Eater s'offrant le luxe d’avoir un système de faim, d’empoisonnemnt et de dégâts ciblés à soigner avec l’équipement adéquat, assez pousser. Mais certains rogue-like poussent le vice encore plus loin, avec la même idée de dégâts ciblés. c’est le cas de Catacomb Kids, jeu en early access sur Steam, dans ce rogue-like assez classique dans sa forme (on parcours un donjon, on tue des monstres, récolte des items, à la fin on gagne un niveau et des compétences…), les dégâts des personnages sont ultra ciblés et influes sur le gameplay, selon le personnage joué. Si le joueur est blessé au bras et qu’il doit tenir un flingue, il ne peut plus l’utiliser, s’il ne soigne pas son bras il peut le perdre définitivement. Ainsi, une notion de stratégie se met en place pour savoir ce que l’on soigne ou non. La santé n’agit donc pas comme une variable à surveiller, mais comme un élément de gameplay entier qui induit choix et sacrifices, collant bien au principe du rogue-like.

Et si ce jeu me réjouie autant, c’est qu’en tant que joueuse et qu'apprentie Game Designer, j’attends de voir des jeux comme Catacomb Kids, comme Yoshi’s Island..m’offrant une dimension sanitaire entière dans le gameplay. J’aimerai que les jeux actuels ne définissent pas la santé régénérative comme un dogme, mais juste comme une solution possible dans l’infinité qui leur est proposée. Qu’ils s’émancipent des acquis de leurs prédécesseurs et qu’ils parviennent à mettre en place des systèmes de santés novateurs et pertinents. 

Chouqi. 

N’hésitez pas à jeter un coup d’oeil aux références, certains liens ont un point de vue très intéressant sur la question.

Références

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znts

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